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Antagoniste des récepteurs de l’angiotensine II et réaction de photosensibilité ? - Commentaire d'article

Publié le

Photosensitivity with Angiotensin II Receptor Blockers: A Retrospective Study Using Data from VigiBase(®).
Viola E, Coggiola Pittoni A, Drahos A, Moretti U, Conforti A.
Drug Saf. 2015 Oct;38(10):889-94

En octobre 2015, une étude concernant les cas de photosensibilité rapportés chez des patients traités par antagoniste des récepteurs de l’angiotensine II (ARAII ou sartans) a été publiée par une équipe italienne de pharmacovigilance à partir des données extraites de la base de Pharmacovigilance de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), VigiBase®. Nous vous proposons ci-après un résumé commenté.

Résumé :

Contexte :

Les ARA II constituent une classe médicamenteuse largement utilisée, en particulier dans le traitement de l’hypertension artérielle et de l’insuffisance cardiaque. A ce jour, 8 molécules sont commercialisées dans le monde: azilsartan, candesartan, eprosartan, irbésartan, losartan, olmesartan, telmisartan et valsartan. Parmi ces ARA II, seul le résumé des caractéristiques du produit (RCP) du losartan mentionne la survenue de réactions de photosensibilité à une fréquence indéterminée et dont le mécanisme exact reste inconnu.

La photosensibilité est une réaction cutanée anormale à la lumière ou aux rayons ultraviolets, due à un médicament ou à une substance naturelle ou chimique.

Cette étude consiste en une évaluation des cas de photosensibilité survenus chez des patients traités par ARA II à partir des données de la base VigiBase®.

Méthodologie :

  • Extraction de tous les cas de photosensibilité rapportés dans Vigibase® jusqu’au 31/12/2014 et pour lesquels un ARAII est suspect ;
  • Mesure statistique de disproportionnalité (Information Component, IC) ;
  • Revue plus précise des cas les mieux documentés sélectionnés en appliquant un score d'informativité (VigiGrade).

Résultats :

  • Résultats (1)
    • N = 203 cas rapportés de photosensibilité avec un ARA II retrouvés dans Vigibase®;
    • 120 de femmes (59%), 76 hommes (37%), sexe non rapporté dans 7 cas (4%) ;
    • Age moyen : 56 +/- 12,3 ans ;
    • Critère de Gravité pour 99 cas ;
    • Cas provenant de 25 pays, dont la France (51), les Etats-Unis (26), le Royaume-Uni (23) et l’Australie (22).

Nombre de cas / molécule :

  • Résultats (2)
    • Information Component (IC) positif pour l’irbesartan et le losartan (IC 1,07 et IC 0,60) ; IC négatif pour l’olmésartan et le telmisartan.
    • Sur les 203 cas, 28 sont bien documentés selon le score de VigiGrade > 0,8 (13,8% du total, ce qui est superposable à l'informativité de tous les cas de Vigibase®).
    • Parmi ces 28 cas, ont été exclus les dossiers pour lesquels d’autres médicaments connus pour induire une photosensibilité étaient également rapportés. A l’issu, il restait 18 cas dont 6 avec losartan, 3 avec irbesartan, 2 avec le valsartan et 2 avec le candesartan et un avec le telmisartan. Une guérison à l’arrêt a été rapportée dans 10 de ces 18 cas et une réintroduction positive a également été décrite. 

Discussion :

VigiBase® contient 203 déclarations spontanées de photosensibilité associées à un ARA II, provenant de 25 pays avec évolution favorable à l'arrêt dans 25% des cas et le sartan est seul suspect dans 60% des cas. Avec le losartan qui est le seul ARA II pour lequel la survenue d'une photosensibilité est notée, le score de disproportionnalité est positif, mais il l'est également pour irbesartan. Les limites de l'étude soulignées par les auteurs sont le sous diagnostic donc la sous déclaration et la faible informativité des cas.

Conclusion des auteurs :

Les auteurs concluent qu'il existe une possible association entre photosensibilité et ARA II, que d'autres études sont nécessaires. Selon eux, les patients et les cliniciens doivent être informés.

 

L’avis du CRPV :

Le 13/01/2016, nous avons effectué une recherche bibliographique dans nos ouvrages de référence en pharmacovigilance (Vidal®, Martindale®, Meyler’s side effects of drugs®) et les bases de données Drugdex® et PubMed® avec les mots clés : « photosensitivity », « photosensitive », « sartan », « angiotensin II receptor antagonist » :

  • La survenue d'une réaction cutanée de type photosensibilité avec les ARAII n'est pas mentionnée dans les ouvrages de référence ni dans la base de donnée Drugdex®, hormis dans la base Drugdex® pour le losartan  où il est précisé que la photosensibilité survient avec un incidence inférieure à 1% des patients traités au cours d'essais cliniques.
  • Dans Pubmed®, il n’a été retrouvé qu'un article rapportant une réaction de photosensibilité chez une patiente de 71 ans après 3 mois de traitement sous valsartan. Elle a présenté un érythème des zones photo-exposées et un angioœdème d'évolution favorable après traitement par méthylprednisone et adrénaline[i]. Dans une revue portant sur les médicaments pouvant induire une réaction de photosensibilité, pour les antagonistes des récepteurs de l'angiotensine II, seul l’article cité par l’équipe italienne est référencé[ii]. Dans un article équivalent plus récent, les sartans ne sont pas mentionnés[iii].

Avis sur l’étude en elle-même : Il s’agit d’une étude a faite par  une équipe italienne de Pharmacovigilance. Ils ont extrait de Vigibase® tous les cas de réactions de photosensibilisation rapportés jusqu’au 31/12/2014 et pour lesquels un antagoniste des récepteurs de l’angiotensine II (ARAII) est suspect.

VigiBase® est la base de pharmacovigilance de l’OMS qui existe depuis 1968 et qui est localisée à Uppsala en Suède. Elle contient plus de 10 millions de cas envoyés par les centres nationaux de pharmacovigilance, c'est-à-dire, par 120 pays à ce jour (dont la France).

Les auteurs ont appliqué une mesure statistique de disproportionnalité (Information Component, IC), mesure développée en 1998 par un statisticien d'Uppsala. La disproportionnalité est utilisée dans les bases de données de Pharmacovigilance pour évaluer s’il existe un signal potentiel, c'est-à-dire si la paire d'intérêt « Médicament / Effet » est rapportée plus fréquemment qu’attendu. Ils ont également regardé plus précisément les cas les mieux documentés, là aussi en appliquant un score d'informativité qu'ils ont développé (VigiGrade)

Au total, il s'agit d'une étude effectuée sur une seule base de données de Pharmacovigilance qui retrouve un lien entre deux ARAII et la survenue d'une photosensibilité à partir d'une mesure statistique de disproportionnalité. Le nombre de cas d'intérêt (cas documenté et ARAII seul suspect) est faible, à mettre en perspective avec l'utilisation au niveau mondial de cette classe pharmacologique. Les ouvrages de référence en Pharmacovigilance ne citent pas cet effet indésirable et la recherche bibliographique est infructueuse.

En l'état actuel de nos connaissances, il s'agit donc d'un signal à garder en mémoire mais qui ne nécessite pas, à ce jour, de précaution d’emploi supplémentaire.

 

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