Antiépileptiques et grossesse
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La survenue d’une grossesse chez une femme traitée par antiépileptique n’est pas sans risque. Il a notamment été mis en évidence une tératogénicité du valproate, à l’origine d’une augmentation significative (fréquence globale multipliée par un facteur 4-5 par rapport à la population générale) des cas de malformations et de troubles neuro-développementaux chez l’enfant. Aussi, en juillet 2017, afin ne plus exposer les enfants à ces risques, la « contre-indication des médicaments à base de valproate utilisés en psychiatrie chez la femme enceinte et la femme en âge de procréer sans contraception efficace » a été actée.
Dans le prolongement des analyses effectuées sur le valproate, une étude a été menée sur l’ensemble des médicaments antiépileptiques. De septembre 2015 à décembre 2018 toutes les données disponibles ont été revues. Vingt-et-une substances ont été étudiées et pour chacune d’entre elles, l’analyse a précisé les risques potentiels, avérés ou non, de malformations congénitales majeures et de troubles neuro-développementaux.
1- Concernant le risque de malformations congénitales majeures, son niveau est déterminé par la comparaison entre la fréquence globale de malformations congénitales majeures chez les femmes traitées par un antiépileptique et celle observée dans la population générale (en dehors de toute exposition médicamenteuse). Cette dernière, servant de référence de « base », est estimée à 2-3 %.
L’étude hiérarchise les substances en fonction de leur niveau de risque. Il convient, cependant, de souligner que les données disponibles sont très inégales et ne permettent pas de conclure pour tous les antiépileptiques.
Il a toutefois été mis en évidence un risque accru concernant 5 de ces substances :
- le topiramate, le phénobarbital, la primidone présentent une fréquence globale multipliée par 3 par rapport à la population générale ;
- la carbamazépine, la (fos)phénytoïne, une fréquence multipliée par 2 à 3.
Parmi ces substances le topiramate semble particulièrement préoccupant. Outre sa tératogénicité avérée (en particulier un risque accru de fentes orales et d’hypospadias), il présente un risque potentiel (signal) de troubles neuro-développementaux. De plus, sa prescription est en augmentation avec de surcroit des usages parfois hors AMM (notamment à des fins amaigrissantes ou dans le trouble bipolaire). En 2017, il a été prescrit à plus de 30 000 patientes en âge de procréer.
Un autre antiépileptique suscite l’inquiétude, la prégabaline. Un risque potentiel de malformations a été identifié pour cette substance dont l’exposition est particulièrement élevée. Sa prescription est en augmentation avec des indications multiples et des usages hors AMM. En 2017, près de 148 000 patientes en âge de procréer ont eu au moins une délivrance de prégabaline. Le rapport cite également la gabapentine dont la structure est proche de celle de la prégabaline et qui a été utilisée par plus de 37 000 patientes en 2017.
Trois des produits étudiés ne semblent pas montrer d’augmentation de la fréquence de malformations majeures : la lamotrigine, le lévétiracétam et l’oxcarbazépine.
Pour les autres antiépileptiques, il n’existe pas de données. Aucune conclusion n’est donc possible à l’heure actuelle quant au risque malformatif.
- Concernant les risques neuro-développementaux, en dehors du valproate qui a montré un risque élevé de troubles neuro-développementaux (cognitifs et comportementaux), les données sont souvent inexistantes ou limitées pour les autres antiépileptiques. Les connaissances actuelles ne permettent donc pas de donner de conclusion définitive. Les risques ne sont pour autant pas exclus et il convient d’être prudent si l’utilisation d’un antiépileptique est nécessaire chez la femme enceinte ou en âge de procréer.
La figure ci-dessous montre l’exposition médicamenteuse aux différents traitements anti-épileptiques chez les patientes en âge de procréer en 2017. On constate un fort niveau d’exposition pour le traitement par prégabaline classé comme traitement à risque potentiel de malformations en cas d’exposition au cours de la grossesse.
De plus, des études ont montré qu’il existe un risque de récurrence. Le risque qu’un enfant exposé in utero à un antiépileptique soit atteint d’un trouble est plus élevé lorsqu’un autre enfant de la fratrie a déjà été atteint. Le risque de malformations en particulier est d’autant plus élevé que le nombre de précédents enfants atteints est élevé. Ce sur-risque a été identifié pour le valproate, le topiramate, le phénobarbital et la phénytoïne.
D’une manière générale :
- les risques doivent être pris en compte dès l’instauration d’un traitement antiépileptique chez une femme en âge de procréer ;
- les patientes doivent être informées de ces risques ;
- une contraception adaptée est indispensable, en tenant compte du fait que certains antiépileptiques rendent la contraception hormonale inefficace ;
- en cas de désir d’enfant, la grossesse doit être planifiée suffisamment longtemps à l’avance, de sorte que la nécessité du traitement puisse être réévaluée et un suivi adapté mis en place ;
- les femmes enceintes traitées par antiépileptique ne doivent jamais interrompre ou modifier leur traitement sans avis médical, la réapparition de crises pouvant avoir des conséquences graves pour le fœtus et pour elles-mêmes.
Par ailleurs, il faut ajouter que l’utilisation d’antiépileptiques dans des indications non conformes à l’AMM doit être évitée, le rapport bénéfice/risque n’étant pas connu.
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