Colchicine, médicament à risque : nouvelles recommandations pour en sécuriser l’usage
Publié le
La colchicine est indiquée dans la prise en charge de l’accès aigu de goutte, en prophylaxie des accès aigus de goutte chez le patient atteint de goutte chronique, dans les autres accès microcristallins, dans la maladie périodique et la maladie de Behçet. En raison de sa marge thérapeutique étroite, son utilisation expose les patients à un risque important de toxicité en cas de surdosage ou d'interactions médicamenteuses.
Les premiers signes d'un surdosage incluent diarrhées, nausées et vomissements, pouvant précéder des complications graves telles qu'une défaillance multiviscérale.
Les professionnels de santé doivent être particulièrement vigilants chez :
- Les patients insuffisants rénaux ou hépatiques.
- Les sujets âgés, plus sensibles aux effets indésirables.
- Les patients recevant des traitements concomitants susceptibles d’interagir avec la colchicine.
Des mesures renforcées pour limiter les surdosages et les erreurs
L’objectif des nouvelles recommandations est de renforcer la sécurité d’utilisation de la colchicine et d’éviter des erreurs aux conséquences graves. Une vigilance accrue et une meilleure information des patients et professionnels de santé sont essentielles pour prévenir les intoxications. En raison de sa marge thérapeutique étroite, il est donc capital de prendre en compte les interactions médicamenteuses lors de la prescription et de la délivrance de la colchicine, tout en respectant le nouveau schéma posologique limitant le risque de surdosage et de toxicité. Malgré les alertes de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) diffusées depuis 2016, de nombreux cas d'intoxications continuent d'être rapportés. Pour y remédier, plusieurs actions ont été mises en place :
1) Mise en place d'un nouveau schéma posologique, visant à optimiser l'efficacité tout en réduisant le risque de toxicité :
Posologie dans les accès aigus de goutte :
- Jour 1 : 1 mg (initié le plus tôt possible) suivi d'une prise de 0,5 mg une heure plus tard.
- À partir du Jour 2 : 0,5 mg deux à trois fois par jour en fonction de l'évolution de la pathologie et de la survenue éventuelle de signes d'intolérance.
Posologie dans la prophylaxie des accès aigus de goutte chez le goutteux chronique lors de l'instauration du traitement hypo-uricémiant :
- Patients sans insuffisance rénale et/ou hépatique :
0,5 mg à 1 mg par jour en fonction de l’évolution de la pathologie et de la tolérance. - Patients atteints d'insuffisance rénale et/ou hépatique légère à modérée :
Commencer à 0,5 mg par jour. - En cas d'effet indésirable et d'insuffisance rénale modérée :
Réduire la posologie à 0,5 mg un jour sur deux.
Il est important de rappeler qu'en cas de diarrhée, nausées ou vomissements, signes de surdosage potentiel en colchicine, la posologie doit être réduite ou le traitement arrêté.
2) Message d'alerte sur les emballages de Colchicine Opocalcium® et Colchimax® depuis juillet 2023, informant le patient de consulter rapidement un médecin en cas de diarrhée, de nausées ou de vomissements, signes possibles d’un surdosage.
3) Sur le versant hospitalier, Ajout de la colchicine à la liste des "Never Events" dans le Bulletin officiel santé du 31 mai 2024 : Non-respect des schémas posologiques et/ou des contre-indications, notamment en cas d’interactions médicamenteuses et d’insuffisance rénale ou hépatique.
Pour rappel, la colchicine est un alcaloïde extrait du colchique d'automne (Colchicum autumnale). Elle inhibe la polymérisation de la tubuline en microtubules, limitant ainsi les processus inflammatoires. Cependant, à plus fortes doses, elle bloque la mitose cellulaire, exposant les tissus à renouvellement rapide à une toxicité majeure. Elle est principalement métabolisée par le cytochrome P450 3A4 (CYP3A4) et est un substrat de la P-glycoprotéine (P-gp), un transporteur d’efflux impliqué dans son absorption et son élimination. Cette double implication dans les voies métaboliques et de transport expose la colchicine à des interactions médicamenteuses pouvant altérer significativement sa biodisponibilité et son élimination, avec un risque accru d’accumulation et de toxicité. Toute co-administration avec des inhibiteurs puissants de ces voies (macrolides, antifongiques azolés, inhibiteurs de protéase, immunosuppresseurs, inhibiteurs calciques, etc.) peut entraîner une augmentation significative des concentrations plasmatiques de la colchicine, majorant ainsi le risque de toxicité. Par exemple, des cas de toxicité sévère, voire mortelle, ont été rapportés lors de l'association de la colchicine avec des macrolides.
Références : (1) Niel E, Scherrmann JM. Colchicine today. Joint Bone Spine. 2006. (2) Bodeau S et al. Colchicine : une intoxication rare mais souvent mortelle. Toxicologie Analytique et Clinique. 2016.
En savoir plus :