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Inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et risque hémorragique

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Les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRS) sont des médicaments utilisés dans le traitement de troubles neuropsychiatriques tels que la dépression majeure ou l’anxiété. La sérotonine, également appelée 5-hydroxytryptamine, est un neurotransmetteur dont la diminution peut être à l’origine de ces troubles. Les IRS, empêchant la recapture de la sérotonine, permettent une augmentation de sa concentration inter-synaptique intracérébrale et l’amélioration des troubles neuropsychiatriques.

La sérotonine est également présente dans les granules denses des plaquettes sanguines. Elle est libérée par exocytose en cas d’activation plaquettaire (par exemple lors d’un saignement) et se fixe au récepteur sérotoninergique plaquettaire 5-HT2A. L’activation de ce récepteur accélère l’agrégation plaquettaire pour former un caillot qui participe à l’arrêt d’un saignement.

En cas de traitement par IRS, l’hypothèse d’une inhibition du transporteur de la sérotonine est évoquée. Elle entrainerait une diminution de la sérotonine au niveau plaquettaire et donc une diminution de l’agrégation plaquettaire. Par conséquence, elle peut favoriser la survenue d’un saignement.


Incidence globale des saignements avec les IRS d’après une méta-analyse

Les IRS sont associés à la survenue de saignements de localisations diverses : l’hémorragie gastro-intestinale (HGI), l'hémorragie intracrânienne (HIC), l'hémorragie de post-partum (HPP) et les hémorragies per et/ou post opératoires. Malgré une certaine hétérogénéité, les études portant sur les hémorragies liées aux IRS montrent un risque global multiplié par 1,16 à 2,36. Une méta-analyse incluant 1 443 042 patients a montré une augmentation de 41 % des hémorragies. Ce risque étant plus particulièrement élevé pour les HGI, avec une augmentation de 55 % (contre 16 % pour les HIC).

L’HGI semble être le saignement le plus fréquemment associé aux IRS. Ce risque est majoré par les facteurs de risques que peuvent présenter les patients : comorbidités, consommation de tabac ou d’alcool, âge, mais aussi prise concomitante d’autres médicaments.


Médicaments concomitants

Certains médicaments ont un effet sur la coagulation sanguine. Ils doivent être pris en compte s’ils sont utilisés en association avec un IRS : par exemple, les médicaments antiplaquettaires (aspirine, clopidogrel) ou anticoagulants (antivitamine K, héparine) qui augmentent le risque hémorragique.

Il en est de même avec les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) (ibuprofène, kétoprofène), souvent utilisés en automédication et dont l’un des effets indésirables est le risque hémorragique.


Limitation du risque

Divers travaux suggèrent que l’utilisation d’inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) diminuent le risque d’HGI chez les patients traités par IRS, notamment lors de l’utilisation concomitante d’AINS. Il convient cependant de prendre en compte les effets indésirables possibles à long terme de ce traitement (fracture, hypomagnésémie, carence en vitamine B12, néphrite interstitielle, infection à Clostridium difficile).

Une autre piste réside dans le choix de l’antidépresseur. Plusieurs études ont suggéré que les IRS ayant une affinité élevée pour le transporteur de la sérotonine (duloxétine, clomipramine, fluoxétine, paroxétine, sertraline) ou intermédiaire (amitriptyline, citalopram, escitalopram, imipramine, venlafaxine) sont davantage liés à un risque accru de saignements que ceux à faible affinité (amoxapine, doxépine, maprotiline, mirtazapine, trimipramine). D’une manière générale, il semble que les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) favorisent davantage le risque d’hémorragie que les inhibiteurs non sélectifs.


Durée d’exposition

Les différents travaux abordant ce sujet ne sont pas consensuels, toutefois, dans l'ensemble, le risque hémorragique lié à la prise d'ISRS semble être le plus élevé en début de traitement, majoritairement dans les 30 premiers jours.


Dans la pratique clinique

Les IRS doivent être considérés comme un facteur de risque d’HGI. Chez un patient présentant un risque élevé de saignement ou ayant des antécédents de saignement, un antidépresseur ayant peu ou pas d’effet sur le transporteur de sérotonine devrait être privilégié.

Il est important que les professionnels de santé informent les patients du risque accru d’hémorragie induit par les IRS avant l’initiation du traitement.

Les avantages de l’utilisation d’un antidépresseur rapportés au risque hémorragique doivent être soigneusement évalués avant d’envisager un éventuel arrêt du traitement.

 

FACTEURS DE RISQUE DE SAIGNEMENT ANORMAL

 

Hémorragie gastro-intestinale

  • Médicaments (IRS, AINS, antiplaquettaires, anticoagulants)
  • Augmentation de l’âge
  • Comorbidité (ulcère gastro-duodénal, diabète, maladie hépatique chronique, insuffisance rénale chronique, reflux gastro-œsophagien)
  • Hygiène de vie (tabagisme, alcoolisme)

Hémorragie cérébrale

  • Utilisation d’ISRS
  • Dépression

Hémorragie post-partum

  • Accouchement par césarienne
  • Grossesses multiples
  • Travail prolongé
  • Antécédent d’hémorragie post-partum
  • Hypertension artérielle
  • Diabète
  • Troubles de la coagulation
  • Utilisation d’anticoagulants
  • Âge maternel
  • Utilisation d’IRS dans les 30 jours précédant l’accouchement

 

En savoir plus :

Cette brève est issue de l’article Clinical Management of Bleeding Risk With Antidepressants.

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