Brèves

Le médicament : une cause possible d’hypertension artérielle pulmonaire

Publié le

Selon leur présentation clinique et les mécanismes physiopathologiques impliqués, les hypertensions pulmonaires (HTP) sont classées en cinq grands groupes. Parmi ces HTP, l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) correspond au groupe 1.

Cette HTAP est une maladie rare touchant 10 à 50 personnes/million d’habitants en Europe.  Elle est secondaire à un remodelage obstructif des petites artères du poumon à l’origine d’une augmentation progressive des résistances vasculaires pulmonaires (RVP) entrainant une insuffisance ventriculaire droite. Les facteurs à l’origine du remodelage de ces petites artères pulmonaires sont complexes et multifactoriels : prédispositions génétiques, déséquilibre entre des médiateurs (médiateurs vasodilatateurs et vasoconstricteurs), trouble du système immunitaire ou encore inflammation péri-vasculaire. Une étiologie médicamenteuse est également possible.

Au début de la maladie, les symptômes sont peu spécifiques. Les patients décrivent une fatigue, un essoufflement lors d’efforts physiques, un œdème des jambes et des pieds, des palpitations. Lorsque les symptômes évoluent, un essoufflement de repos, des malaises et des syncopes peuvent survenir. En l’absence de traitement, l’évolution est malheureusement défavorable, menaçant la vie du malade à court ou moyen terme.

Le diagnostic repose essentiellement sur le cathétérisme cardiaque droit et sur l’exclusion d’autres formes d’hypertension pulmonaire (HTP) c’est-à-dire l’exclusion de maladies cardiaques gauches, de maladies respiratoires chroniques ou encore de l’obstruction chronique des artères pulmonaires.

La classification de ces HTP est détaillée ci-après :

L’HTAP correspond au groupe 1. Cette HTAP est une hypertension pulmonaire précapillaire, définie par l’association sur le cathétérisme droit d’une :

  • Augmentation de la pression artérielle pulmonaire moyenne (PAPm) > 20 mm Hg,
  • Pression artérielle pulmonaire d’occlusion (PAPO) normale (≤ à 15 mm Hg)
  • Augmentation des résistances vasculaires pulmonaires (RVP) > à 2 unités Wood (UW)1.

Parmi les HTAP du groupe 1, on distingue :

  1. HTAP idiopathique : Forme la plus fréquente (50 à 60% des cas), diagnostiquée après exclusion d’une HTAP de cause déterminée. On distingue deux sous-groupes selon la réponse au test de vasoréactivité en aigu.
  2. HTAP héritable : Associées à des mutations des gènes de susceptibilité. Leur mode de transmission est le plus souvent autosomique dominant à pénétrance incomplète. Ces mutations concernent des gènes régulant l’homéostasie endothéliale (BMPR2, ACVRL1, Endogline, GDF2, SMAD9, CAV1), des gènes codant des canaux ioniques (KCNK3, AQP1, ATP13A3, ABCC8) ou des gènes impliqués dans le développement pulmonaire ou vasculaire pulmonaire (TBX4, KDR, SOX17). D’autres HTAP héritables surviennent dans un contexte familial sans que des mutations aient été identifiées. Un test de vasoréactivité peut être réalisé pour orienter le traitement.
  3. HTAP induite par les médicaments et les toxiques : La prise d’anorexigènes (aminorex, dexfenfluramine, fenfluramine, benfluorex), de dasatinib (inhibiteur de tyrosine kinase) et de métamphétamine est considérée comme étant une cause prouvée d’HTAP. Un test de vasoréactivité peut être réalisé pour orienter le traitement.

Le tableau ci-dessous classe en « certains » ou « possibles » les médicaments et les toxiques pouvant induire une HTAP1

Causes certaines Causes possibles

Anorexigènes :
- Aminorex
- Benfluorex
- Dexfenfluramine
- Fenfluramine
- Dasatinib
- métamphétamines
Huile de Colza dénaturée

Agents alkylants
(cyclophosphamide, Mitomycine-C)a
Amphétaminiques
Antiviraux d’action directe contre le virus de l’hépatite C (sofosbuvir)
Bosutinib
Cocaïne
Diazoxide
Indirubine (herbe chinoise Qing-dai)
Inhibiteurs du protéasome (carfilzomib)
Interféron α et β
Léflunomide
L-Tryptophane
Millepertuis
Phénylpropanolamine
Ponatinib
Solvants organiques (trichloroéthylène)a

a : associé à la maladie veino-occlusive pulmonaire.

  1. HTAP associée à une :
    - Connectivite (principalement la sclérodermie systémique et le lupus érythémateux disséminé),
    - Infection par le virus de l’immunodéficience humaine,
    - Hypertension portale,
    - Cardiopathie congénitale,
    - Bilharziose.
  1. HTAP avec signes d’atteinte veinulaire et/ou capillaire (maladie veino-occlusive/hémangiomatose capillaire pulmonaire) : Cette forme d’HTAP est caractérisée par une présentation clinique particulière (dyspnée majeure, hypoxémie sévère, diminution de la diffusion pulmonaire du monoxyde de carbone et anomalies radiologiques), des facteurs de risque spécifiques (exposition aux agents alkylants, aux solvants organiques) et l’existence d’une forme génétique de transmission autosomique récessive liée à des mutations bialléliques du gène EIF2AK4(eukaryotic translation initiation factor 2 alpha kinase 4) codant la protéine GCN2 (General Control Non derepressible 2)
  2. HTAP persistante du nouveau-né

Les groupes 2 à 5 correspondent à des formes d’HTP plus fréquentes et secondaires à d’autres maladies.

  • Le groupe 2 correspond aux HTP associées aux cardiopathies gauches: insuffisance cardiaque (avec fraction d’éjection du ventricule gauche (FEVG) conservée ou avec fraction d’éjection du ventricule gauche réduite ou modérément réduite), cardiopathie valvulaire, pathologie cardiovasculaire congénitale ou acquise responsable d’HTP post-capillaire.
  • Le groupe 3 aux HTP associées aux maladies respiratoires chroniques et/ou à l’hypoxie: maladie respiratoire chronique avec trouble ventilatoire obstructif ou emphysème, maladie respiratoire chronique avec trouble ventilatoire restrictif, autre maladie respiratoire chronique avec trouble ventilatoire mixte, syndromes d’hypoventilation, hypoxie sans maladie respiratoire, anomalies du développement pulmonaire. Elles correspondent également à une HTP précapillaire.
  • Le groupe 4 aux HTP secondaires à des obstructions artérielles pulmonaires chroniques, principalement l’HTP thrombo-embolique chronique mais également à d’autres causes d’obstruction artérielle pulmonaire. Elles correspondent également à une HTP précapillaire.
  • Le groupe 5 réunit les HTP de mécanismes multifactoriels et/ou inconnus : maladies hématologiques, maladies systémiques, maladies métaboliques, insuffisance rénale chronique (avec ou sans hémodialyse), microangiopathie thrombotique tumorale pulmonaire, médiastinite fibreuse. Elles peuvent correspondre à une HTP précapillaire ou une HTP post-capillaire.

 

Classification des HTP
Schéma issu de l’article : Physiopathologie et traitements de l’HTAP.
Perros F. et al. Med Sci 2023 ; 39 :359-369

 

La prise en charge de l’HTAP (groupe 1) repose sur des mesures générales et des traitements spécifiques.

  • Les mesures générales comprennent l’activité physique, la réhabilitation supervisée, la prise en charge de la rétention hydrosodée par un régime hyposodé et l’usage en combinaison des trois classes de diurétiques (diurétiques de l’anse, thiazidiques et antagonistes de l’aldostérone), l’oxygénothérapie en cas d’insuffisance respiratoire chronique sévère, la supplémentation en fer en cas d’anémie par carence martiale, la mise à jour des vaccinations (contre la grippe, l’infection par le pneumocoque et la Covid 19 et une prise en charge psychosociale.
  • Les traitements médicamenteux de l’HTAP regroupent les antagonistes calciques (à fortes doses) réservés à certaines formes d’HTAP avec réponse au test de vasoréactivité aiguë, et des traitements « spécifiques » visant trois grandes voies de la dysfonction endothéliale (les antagonistes des récepteurs de l’endothéline, les inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 et stimulateurs de la guanylate cyclase, les analogues de la prostacycline et agonistes des récepteurs de la prostacycline).
    La transplantation pulmonaire est à envisager en cas d’HTAP réfractaire à un traitement médical optimal, ou en cas d’HTAP de mauvais pronostic, comme la maladie veino-occlusive pulmonaire. De nouveaux traitements sont en cours de développement et ceux les plus prometteurs visent les voies de signalisation associées aux récepteurs de la superfamille du TGF-β (transforming growth factor beta) ou les voies de la sérotonine et du PDGF (platelet-derived growth factor).

Ainsi devant une HTAP diagnostiquée sur le cathétérisme droit, un interrogatoire détaillé portant sur les différentes prises médicamenteuses du patient est important à réaliser pour orienter vers une éventuelle cause médicamenteuse à cette HTAP.

1. Selon les recommandations de 2022 des Sociétés européennes de cardiologie (ESC) et de pneumologie (ERS).

En savoir plus :

Humbert, G. Kovacs, M.M. Hoeper, R. Badagliacca, R.M.F. Berger, M. Brida. 2022 ESC/ERS Guidelines for the diagnosis and treatment of pulmonary hypertension. Eur Respir J (2022).

Perros F. et al., Physiopathologie et traitements de l’HTAP. Med Sci 2023 ; 39 :359-369.

 

Retour

Les alertes