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Les antalgiques opioïdes

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La lutte contre la douleur est en France une priorité de santé publique, notamment depuis la mise en place, en 1998, d’une série de plans d’action visant à améliorer sa prise en charge. Une mise à disposition et une utilisation plus larges des médicaments opioïdes sont un élément fort de cette amélioration.

Les médicaments opioïdes ont un intérêt majeur et incontestable dans la prise en charge de la douleur ; notamment en cas d'inefficacité des antalgiques non opioïdes (paracétamol, aspirine, AINS) qui représentent 78 % des antalgiques consommés. En France, près de 20 millions de personnes souffrent de douleurs chroniques rebelles aux traitements conventionnels.

Les antalgiques opioïdes sont le plus souvent bien utilisés. Mais, avec l’augmentation de leur consommation, on a pu observer une augmentation des cas de mauvais usages, d'intoxications et de décès liés à leur utilisation. Certains patients traités pour soulager une douleur développent une dépendance à leur traitement, et parfois le détournent de son indication initiale.

De plus, ils peuvent également occasionner des complications graves et être à l’origine d’un nombre élevé et grandissant d’hospitalisations et d’overdoses.

 

Dans quels cas utiliser un antalgique opioïde ?

On distingue deux types d’antalgiques opioïdes qui se différencient par la puissance de leurs effets : les opioïdes dits « faibles » et les opioïdes dits « forts ».

Les antalgiques opioïdes faibles sont les plus consommés des opioïdes (20 % des antalgiques consommés). Ils sont indiqués dans le traitement symptomatique de certaines douleurs :

  • les douleurs modérées à intenses ;
  • les douleurs non soulagées par les antalgiques non opioïdes (paracétamol, ibuprofène, aspirine) ;
  • les douleurs aiguës sur une courte période (< 3 mois) ;
  • les douleurs chroniques, en traitement ponctuel ou en traitement de fond, associés à des antalgiques non opioïdes.

Les antalgiques opioïdes forts (2 % des antalgiques consommés) sont indiqués dans les douleurs plus intenses, de préférence après échec des opioïdes faibles :

  • les douleurs cancéreuses intenses ou réfractaires aux antalgiques opioïdes faibles (morphine, fentanyl transdermique, fentanyl transmuqueux, oxycodone, hydromorphone) ;
  • les douleurs non cancéreuses intenses et réfractaires aux autres antalgiques (morphine, fentanyl transdermique, oxycodone) (à l’exception des douleurs fonctionnelles et des céphalées).

Dans tous les cas la plus faible dose efficace doit être recherchée, pour la durée la plus courte possible.

 

 

Contre-indications des antalgiques opioïdes

Un traitement opioïde ne doit pas être administré dans les cas suivants :

  • insuffisance respiratoire, asthme grave ;
  • insuffisance hépatique sévère ;
  • insuffisance rénale sévère ;
  • association d’un antalgique opioïde avec la buprénorphine, la naltrexone ou le nalméfène en raison d’un risque de syndrome de sevrage précipité ;
  • spécifiquement pour les opioïdes forts : traumatisme crânien et hypertension intracrânienne, intoxication alcoolique aiguë.

 

Effets indésirables des antalgiques opioïdes

Ils sont communs à tous les antalgiques opioïdes, qu’ils soient faibles ou forts :

  • constipation ;
  • nausées, vomissements ;
  • sédation, somnolences, vertiges ;
  • bronchospasme, dépression respiratoire ;
  • rétention urinaire ;
  • prurit ;
  • dépendance ;
  • syndrome de sevrage ;
  • spécifiquement pour le tramadol : crise convulsive, troubles visuels, syndrome sérotoninergique, hyponatrémie, hypoglycémie.

Les effets indésirables sont plus fréquents chez les personnes âgées et en cas d’insuffisance rénale.

Lors d’un traitement par opioïde, il est nécessaire de prévenir certains effets indésirables digestifs :

  • Contre la constipation (systématique) : mesures hygiéno-diététiques (hydratation, fibres alimentaires, activité physique) et administration de laxatifs par voie orale.
  • Les nausées et les vomissements s’estompent normalement en 2 à 3 semaines ; la prise d’un anti-émétique pendant les 7 à 14 premiers jours de traitement peut être recommandée.

Par ailleurs, certains médicaments opioïdes peuvent contenir du paracétamol (codéine, tramadol, poudre d’opium). Il faut veiller à ne pas les cumuler avec un autre médicament contenant du paracétamol en raison d’un risque de surdosage toxique pour le foie.

Rappelons que tous les médicaments opioïdes relèvent d’un risque de niveau 2 (sur 3) signalé par un pictogramme apposé sur le conditionnement externe : « Soyez très prudent. Ne pas conduire sans l’avis d’un professionnel de santé ».

 

Les antalgiques opioïdes utilisés chez l’enfant

La codéine est contre-indiquée chez l’enfant de moins de 12 ans.

Le tramadol présenté en solution buvable en flacon compte-goutte (100 mg/ml) peut être utilisé chez l’enfant à partir de 3 ans avec une posologie définie en fonction du poids. A signaler un nombre important d’erreurs médicamenteuses rapportées avec le flacon compte-goutte. Pour les autres formes orales, il peut être administré à partir de 12 ou 15 ans.

La morphine :

  • La morphine présentée en solution buvable (flacons multi- et unidoses) peut être utilisée chez le nourrisson à partir de 6 mois. Toutefois, seule la présentation multidoses permet une adaptation posologique en fonction du poids de l’enfant.
  • Les gélules de morphine (à libération immédiate ou prolongée) après avoir été ouvertes et leur contenu mélangé à l’alimentation peuvent être administrées au nourrisson à partir de 6 mois.
  • Sous forme de comprimé, la morphine est contre-indiquée chez l’enfant de moins de 6 ans en raison du risque de fausse route.
  • Sous forme injectable, la morphine est le seul opioïde pouvant être administré dès la naissance.

Le fentanyl transdermique (patch 12 et 25 μg/h) peut être administré aux enfants âgés de plus de 2 ans et recevant déjà une dose équivalente à au moins 30 mg de morphine orale par jour.

La buprénorphine et l’hydromorphone sous formes orales peuvent être utilisées de façon exceptionnelle chez l’enfant de 7 à 15 ans.

Sous forme injectable, la péthidine peut être administrée à partir de 6 mois, et la nalbuphine à partir de 18 mois.

L’opium est contre-indiquée chez l’enfant de moins de 15 ans.

 

Femmes enceintes ou allaitantes

En cas de douleurs pendant la grossesse, l’utilisation de la codéine ou du tramadol est possible quel que soit le terme de la grossesse. Si un opioïde fort est nécessaire, il vaut mieux privilégier la morphine. À noter qu’en cas d’utilisation d’antalgique non opiacé, le paracétamol peut être utilisé quel que soit le terme de la grossesse. L’aspirine peut être utilisée ponctuellement pendant les 5 premiers mois de grossesse. Formellement déconseillé au-delà. Tous les AINS sont contre-indiqués à partir du début du 6e mois de grossesse.

En cas de traitement chez la femme allaitante, on privilégiera en première intention un antalgique non opioïde. Lorsque le recours à un antalgique opioïde s’impose, la prise doit être limitée dans le temps. Si le traitement est de longue durée il faut suspendre l’allaitement. La mère qui allaite en même temps qu’elle suit un traitement antalgique doit être attentive à tout changement inhabituel qui pourrait survenir chez le bébé (baisse d’attention, de tonus musculaire, endormissement prolongé, sédation).

 

Risque de surdosage

Une dose trop élevée d’opioïde se manifeste par une altération de la vigilance (somnolence, coma), une dépression respiratoire (fréquence respiratoire < 10/minute) et un myosis (contraction de la pupille).

Ce risque est accru lors de la prise concomitante d’alcool et de médicaments sédatifs (benzodiazépines, neuroleptiques, antidépresseurs sédatifs, anti-histaminiques, anti-hypertenseurs centraux, antitussifs morphiniques, médicaments de substitution aux opioïdes).

Un surdosage peut entraîner le décès du patient. Le nombre de décès liés à la consommation d’opioïdes a augmenté entre 2000 et 2015, avec au moins 4 décès par semaine.

La prise en charge médicamenteuse d’un surdosage aux opioïdes consiste à administrer de la naloxone, antagoniste des récepteurs mu opioïdes, qui permet de contrecarrer l’effet des opioïdes.

 


La naloxone

La naloxone est l’antidote aux surdoses d’opioïdes. Elle se fixe sur les récepteurs opioïdes à la place de la substance consommée. Son action commence au bout de quelques secondes à quelques minutes puis dure de 20 à 90 minutes (selon la dose et la puissance de la substance à antagoniser). Les opioïdes ont une durée d’action plus longue et un risque d’« effet rebond » existe, pouvant nécessiter une nouvelle administration. La naloxone se présente sous forme de spray nasal ou sous forme injectable. C’est un traitement d’urgence indiqué chez l’adulte et l’enfant qui ne se substitue pas aux soins d’urgence dispensés par une structure médicale. Par conséquent, les secours (15 ou 112) doivent être appelés au plus vite.

 

Risque d’usage problématique, d’abus et de pharmacodépendance

La consommation des opioïdes, quels qu’ils soient, expose à un risque d’abus et de dépendance, que le patient ait des antécédents de dépendance ou non, et quelle que soit la durée du traitement.

Par conséquent, toute prescription d’antalgique opioïde doit faire l’objet d’une surveillance renforcée de ces risques spécifiques.

Ces mésusages se caractérisent le plus souvent par :

  • une utilisation abusive dans le cadre de douleurs non cancéreuses ;
  • une dépendance primaire consécutive à une prescription à but antalgique ;
  • une dépendance secondaire ;
  • un comportement de nomadisme médical ou « doctor-shopping ».

 

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