Risque infectieux et prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)
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Les Anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), tels que l’ibuprofène* et le kétoprofène, font partie des médicaments les plus utilisés en automédication en cas de douleur ou de fièvre. Ils sont également pris ou prescrits pour de nombreux autres symptômes telles que des réactions cutanées locales (piqure d’insecte ou varicelle), des atteintes respiratoires (toux, infection pulmonaire), ORL (dysphagie, maux de gorge, angine, otite) ou dentaires (douleur et infection).
Depuis de nombreuses années, les Centres Régionaux de Pharmacovigilance (CRPV) reçoivent des signalements de complications infectieuses parfois mortelles chez des adultes et des enfants ayant pris des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), sur prescription ou en automédication, dans le cadre de douleurs d’origine infectieuse (abcès dentaire, toux importante, mal de gorge…). Or, plusieurs études ou articles médicaux ont montré1,2,3 que les infections, en particulier les angines et les pharyngites en lien avec les bactéries de la famille des Streptocoques, peuvent être aggravées par la prise d’un AINS. D’autres complications infectieuses ont aussi été décrites comme les complications cutanées bactériennes de la varicelle4 ou des aggravations de pneumonies communautaires d'origine bactérienne5.
L’explication principale est que l’inflammation responsable de la fièvre ou la douleur en lien avec une infection constitue un rôle important d’alerte pour l’organisme ; ainsi, en réduisant ces signaux d’alerte, l’AINS peut retarder le diagnostic d’infection et la mise en place d’un traitement par antibiotiques, entrainant sa possible aggravation. De plus, il a été montré sur des modèles expérimentaux que les AINS bloquent l’activation de certains globules blancs (appelés neutrophiles) qui sont indispensables pour combattre les bactéries sur le lieu de l’infection. L’infection peut s’aggraver localement avec une extension régionale et des conséquences dramatiques dans certains cas.
L’expertise6 réalisée par deux centres régionaux de pharmacovigilance a permis de mettre en évidence qu’il s’agit d’infections à Streptocoque ou à Pneumocoque diagnostiquées après de courtes durées de prise d’AINS (2 à 3 jours), y compris lorsque la prise était « couverte » par une antibiothérapie. Les complications infectieuses sévères les plus retrouvées et à l’origine d’hospitalisations, de séquelles, voire de décès sont celles de la peau (dermohypodermites, fasciites nécrosantes), les septicémies, les infections pulmonaires (pneumonies abcédées, pleurésie), les infections neurologiques (empyèmes, abcès cérébraux) ou ORL (cellulites, abcès des amygdales). Ce risque a été confirmé en 2020 par le Comité européen en charge de l’évaluation des risques et de la pharmacovigilance (PRAC).
C’est pourquoi depuis janvier 2020, en France, les AINS disponibles sans ordonnance ne sont plus présentés en libre accès dans les pharmacies. De plus, de nombreuses recommandations sur l’utilisation des AINS sont diffusées en France par l’Agence Nationale de Sécurité des Médicaments (ANSM).
Citons par exemple,
- l’utilisation et la prescription à la dose la plus faible possible d’AINS et sur la durée la plus courte possible (3 jours si fièvre, 5 jours si douleurs) ;
- la préférence de l’utilisation du paracétamol en première intention pour le traitement de la douleur et de la fièvre comme cela a été rappelé lors de l’épidémie de streptocoque A en avril 2023.
Par ailleurs, des tests rapides (TROD) de détection des angines à streptocoque A sont disponibles en pharmacie ou chez le médecin. En pharmacie, il peut être réalisé sans ordonnance par le pharmacien pour les enfants à partir de 10 ans et chez les adultes présentant un mal de gorge. Il permet de détecter en quelques minutes la présence de streptocoque A et d’accéder à un traitement antibiotique. Dans ce contexte, le traitement de la douleur doit être le paracétamol uniquement.
En conclusion, il convient de ne pas prendre d’AINS et de privilégier la prise de paracétamol pour soulager des maux de gorge, une rhinopharyngite, une douleur d’oreille ou de dents, de la toux, ou la varicelle en attendant de prendre conseil auprès d’un pharmacien ou de consulter un médecin. En cas de mal de gorge, il ne faut pas prendre d’AINS et réaliser un test de détection rapide du streptocoque A (TROD) chez un pharmacien ou un médecin. Rappelons qu’une consultation avec le médecin est préférable en cas de douleurs non expliquées ou de fièvre chez les nourrissons, les enfants et les femmes enceintes.
Pour rappel : Tous les AINS, y compris l’ibuprofène, sont à éviter durant la grossesse, et strictement contre-indiqués à partir du début du 6e mois de grossesse
* Exemples : ADVIL, NUROFEN.
Références
Weng TC, Chen CC, Toh HS, Tang HJ.J Microbiol Immunol Infect. 2011 Dec;44(6):418-23
Piroulas C, Devillers L, Souty C, Sicsic J, Boisnault P, François M.Fam Pract. 2019 Jul 31;36(4):425-430
Lamagni TL, Neal S, Keshishian C, Alhaddad N, George R, Duckworth G, Vuopio-Varkila J, Efstratiou A.Emerg Infect Dis. 2008 Feb;14(2):202-9
Dubos F, Hue V, Grandbastien B, Catteau B, Martinot A.Acta Derm Venereol. 2008;88(1):26-30
Voiriot G, Philippot Q, Elabbadi A, Elbim C, Chalumeau M, Fartoukh M.J Clin Med. 2019 Jun 3;8(6):786
- ANSM - Dossier thématique PUBLIÉ LE 18/04/2019 - MIS À JOUR LE 28/04/2023 : Anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et complications infectieuses graves